Le roman graphique, un texte qui s'image

 

En quoi une illustration infère-t-elle la destinée d’une œuvre? Constitue-t-elle un simple accompagnement de la narration? Quel statut est celui du dessin inscrit dans la trame du récit? Album pour enfants, film d’animation des premiers temps, film muet, bande dessinée et roman graphique, sont autant de modes d'expression qui rendent compte de la complexité de cette mixité texte-image.

 

Le roman graphique possède une configuration particulière qui redéfinit la structure originale du roman. L’envie de lire le « roman » s’avère accrue par l'immersion du dessin dans le processus narratif. Il conserve néanmoins quelques éléments traditionnels du roman tels que l'exploitation des techniques narratives ou encore le chapitrage.


En s'appuyant sur la notion d'iconotexte théorisée par Michael Nerlich à la fin des années 1980, et la définition concise qu'en donne Alain Montandon, on pourrait caractériser le roman graphique d' « œuvre à la fois plastique et écrite, se donnant comme une totalité indissociable».


Le roman graphique invite le lecteur à une prise de possession progressive des signes, une organisation personnelle du rapport à l’espace de la page: l’œil se focalise sur l’image en faisant temporairement abstraction de la nature réelle du support (la graphie qui incite à la lecture), puis privilégie les signes d’écriture entrant dans le décodage linéaire. Ce jeu de va-et-vient entre texte et image, la disposition spatiale entre ces deux formes de signes, s’avèrent dynamique dans l'émergence du sens.


Subtilité de la narration, quête d'un esthétisme graphique, sophistication de l'intrigue, profondeur psychologique des personnages, rendent compte avec force d'une mise en valeur expressive d'un imaginaire, d'une démarche artistique véritablement entreprise. D'ailleurs, certaines maisons d'éditions affichent l'ambition d'un prolongement graphique.


Bel exemple que la collection Rivages/Casterman/Noir spécialisée dans les one shots de la littérature policière: elle réunit les meilleurs dessinateurs et adaptateurs pour des œuvres choisies en fonction de l'impact visuel. Les premiers volumes de romans graphiques parus ont ainsi fait l'objet de collaborations fructueuses entre les plus grands auteurs de bandes dessinées et romans: Nuit de fureur de Hyman/ Matz/ Thompson (respectivement dessinateur, scénariste, écrivain-scénariste), Sur les quais de Van Linthout (dessinateur-scénariste)/ Rodolphe (écrivain), Pauvres zhéros de Baru (écrivain-scénariste)/ Pelot(romancier), Shutter Island de De Metter (dessinateur)/ Lehane (romancier), Pierre qui roule de Lax (dessinateur)/ Westlake (romancier).

L'occasion est donnée aux lecteurs de découvrir ou redécouvrir les incontournables du roman noir sous un mode d'expression original, d'explorer de nouvelles facettes des géants de la bande dessinée qui bénéficient d'une plus grande liberté: nombre de planches variables, choix possible entre couleurs ou noir et blanc, etc. selon les préférences esthétiques de chacun.


 

Emmanuelle B.


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